Mission. Insertion (Philippe Labbe Weblog. II)

L’hebdomadaire palmipède paraissant le mercredi, à 1,20 € seulement, nous propose cette semaine un article en page 4, « Burger King croque l’argent de Pôle emploi ». De quoi sérieusement désenchanter celles et ceux qui se laissent volontiers chloroformer par la sémantique si soft du « partenariat » entre les opérateurs du SPE et les entreprises, ici la chaîne de restauration Burger King qui annonce l’ouverture de 21 restaurants et la création de 3000 emplois par an… après avoir quitté la France en 1997 et fermé 39 restaurants : à son avantage, la mémoire de nos concitoyens ne remonte guère plus au-delà de l’heure de leur petit déjeuner. Que nous rapporte l’insolent Canard ?

Burger King, qui n’est pourtant pas une start-up (23 milliards de C.A.), n’a pas les moyens de former ses employés potentiels donc noue un « partenariat » avec Pôle emploi (Pe) qui, avec Agefos PME, va financer une formation obligatoire de cinq semaines avec le sésame de la méthode de recrutement par simulation (MRS pour les initiés) durant trois semaines – coût 1800 € par chômeur - auxquelles succèdent deux semaines de stage dans les restaurants dans le cadre d’une « préparation opérationnelle à l’emploi » (sic). Trois semaines pour assimiler des tâches aussi compliquées que « conseiller les clients et prendre les commandes ; assurer le service au comptoir ; préparer les produits (burgers, frites, boissons, desserts, etc.) ; contribuer au nettoyage et à l’entretien courant. » : les formateurs d’Opus, qui a raflé le marché, vont devoir sérieusement apprendre à tirer à la ligne, à occuper l’espace de discours de 9h à 17h.

Au terme de ces cinq semaines, le Roi Burger s’engage à recruter « 50% des demandeurs d’emploi évalués positivement », ce qui objectivement ne signifie rien dans la mesure où on ne sait pas quel pourcentage de stagiaires sera sélectionné : 50% d’une inconnue c’est deux fois moins qu’une inconnue.

Le Grand Frère Pe, l’OPP (opérateur privé de placement) Opus Formation et Burger King ont publié une plaquette enthousiaste « Réussir ensemble les recrutements ». Sur le site de Pe (qui reprend mot pour mot les éléments de vocabulaire de BG), on peut lire : « Pour chaque restaurant une équipe enthousiaste, dynamique et soudée dont les préoccupations majeures sont la satisfaction de nos clients et le respect des normes d’hygiène et de sécurité. La personnalité tient une place prépondérante dans notre processus de recrutement. »

Il est d’ailleurs plus que souhaitable qu’une vigilance particulière s’exerce quant à la personnalité des impétrants car, au terme de leur formation et s’ils font partie des 50% de l’inconnue, leur capacité de résilience ainsi que leur seuil de frustration devront être remarquables puisqu’ils « bénéficieront » d’un CDI de 24 heures par semaine, soit environ 800 € par mois.

Qui se plaindrait ? En tout cas ni le Burger (de la main d’œuvre gratias pro deo), évidemment pas Opus (3000 x 1800 €) et assurément pas Pe (des DE sortis des statistiques). Les « non évalués positivement » ? Acteurs de leur parcours, ils n’ont qu’à s’en prendre qu’à eux-mêmes. Les « équipiers polyvalents » recrutés pour des mi-temps ? Il leur reste du temps pour l’auto-entrepreneuriat… d’autant plus que, comme le révèle la DARES dans « DARES Analyses » n° 005 de janvier 2015, « Plus d’un tiers des CDI sont rompus avant un an ». Ainsi une bonne partie des lauréats « équipiers polyvalents » en ex-CDI pourra retrouver un chemin qu’ils connaissent bien : celui de Pe.

Le ciel vous tienne en joie.

@DimitriHLT  (04/04/2015)

Excellent.

Je me posais juste la question... qui va vous remplacer au moment où "l'heure de la retraite sonne" et que le Vésuve gronde au dessus des Missions Locales pompées... et tétanisées ?

Le Potiron (04/04/2015)

Le lien vers votre article est indiqué dans cet article de Pole m'emploie :

http://www.polememploie.com/2015/03/poe-massives-burger-king-dossier-et-temoignages.html

Cordialement