Mission. Insertion (Philippe Labbe Weblog. II)

Question (pour des champions) (Philippe LABBE, 03 avril 2015)

3 Avril 2015, 13:05pm

Publié par mission

Une question, une seule : pourquoi le Grand Frère Pôle emploi a t-il obtenu une enveloppe de l’IEJ pour rémunérer 761 conseillers dédiés aux moins de 25 ans dans le cadre d’un « accompagnement intensif des jeunes » (AIJ) alors que, sauf erreur, l’article 13 de la loi n° 2005-32 du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale n’a pas été abrogé ? Rappelons que cet article a inscrit dans le Code du Travail l’article 322-4-17-1 selon lequel « Toute personne de seize à vingt-cinq ans révolus en difficulté et confrontée à un risque d’exclusion professionnelle a droit à un accompagnement, organisé par l’Etat, ayant pour but l’accès à la vie professionnelle. » L’article suivant L. 322-4-17-2. précise que « L’accompagnement destiné aux bénéficiaires du droit mentionné à l’article L. 322-4-17-1 est mis en œuvre, avec l’ensemble des organismes susceptibles d’y contribuer, par les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes… Pour chaque bénéficiaire de niveau V bis et VI, cet accompagnement est personnalisé, renforcé et assuré par un référent… »

 

Autrement dit et sauf à méconnaître la syntaxe française (en logique, la syntaxe est l’étude des relations formelles entre les expressions d’un langage), l’accompagnement est mis en œuvre par les missions locales et avec l’ensemble des organismes, etc. Le texte est, semble t-il, clair : ce « avec » recouvre les partenariats noués par la structure de référence et mandatée qui est… la Mission locale au sujet de laquelle il n’est peut-être pas inutile de rappeler, également, qu’elle a une mission de service public.

 

Lubies

On peut s’étonner que cette question de principe – républicain : la loi a été votée par le Parlement – et de droit ne soit pas plus défendue mordicus, pour l’IEJ mais aussi pour d’autres dispositifs ou mesures inventés au gré des lubies d’édiles qui, s’asseyant sur la loi républicaine et sur un actif de plus de trente années pour les Missions locales, conçoivent leurs tambouilles locales avec des « PASS Insertion » et autres mesures généralement proposées en marché public, donc mises en concurrence sous couvert de directive européenne… confondant ainsi la formation et l’accompagnement. Il est vrai qu’avec le « contrat d’autonomie » de Fadela Amara, nous nous y sommes habitués.

 

Du poids des lobbies.

A ce propos, on lira avec intérêt l’article « Quand les agences privés attaquent le « marché » des jeunes chômeurs » paru sur Slate.fr le 6 mars 2015 (1). Juste pour une mise en bouche (souligné par nous) : « Alors que le Parlement vient d'adopter un projet de loi sur les agences d'emploi privées, retour en trois actes sur le gâchis du Contrat d'autonomie. »… « Nous avons fait des choses assez hallucinantes pour placer les jeunes bénéficiaires du Contrat d’autonomie », témoigne aujourd'hui Carole, une ancienne employée d’Ingéus, révoltée par les pratiques de cet OPP {opérateur privé de placement} »… « Un colossal appel d'offres d’État est lancé en 2008 {337 millions d’€}, à faire pâlir d’envie Pôle Emploi et les missions locales – ces associations membres du Service public de l'emploi et dédiées à l'accompagnement des 16-25 ans–, qui voient pour leur part leur budget stagner. »… « L'intérêt des jeunes a été un peu « oublié » au profit… du profit. Le Contrat d'autonomie a favorisé l'émergence d'acteurs opportunistes, qui n'étaient pas très anciens sur les territoires, ni sur le champ de l'accompagnement professionnel. »… « Les missions locales alentours ont alors fait grise mine. Non seulement les OPP disposaient de vingt fois plus de revenus pour accompagner les jeunes précaires, mais en plus, elles étaient régulièrement sollicitées pour soutenir leurs nouveaux concurrents. Fournir des prescriptions –indispensables sésames administratifs– de formation, donner un accès aux informations sur les sessions, orienter des jeunes vers le dispositif Contrat d'autonomie... Ce contrat, qui devait concerner les jeunes les plus éloignés des institutions, a finalement aussi recruté dans les rangs des jeunes inscrits dans les missions locales : en 2009, 43% des effectifs était orienté par le Service public de l'emploi. »… « Très vite, la greffe entre l’accompagnement social et les impératifs privés de rentabilité ne semble pas prendre. Le Contrat d'autonomie {…} peine à produire des résultats à la hauteur de l’investissement initial : selon les chiffres de la Dares, en 2009, 42% des jeunes en Contrat d'autonomie ont trouvé un emploi – durable ou non – ou une formation contre 43 % des jeunes suivis par les missions locales dans le cadre d’un dispositif très semblable, appelé CIVIS. »… « En parallèle, malgré l'échec patent des OPP et des résultats aujourd'hui toujours inférieurs à ceux du Service public de l'emploi, ceux-ci voient leur existence légitimée en ce début d'année 2015. D'une part, une loi sur les agences privées de l'emploi a donc été votée {Loi n° 2015-278 du 13 mars 2015, autorisant la ratification de la convention n° 181 de l'Organisation internationale du travail relative aux agences d'emploi privées}. D'autre part, la Convention tripartite entre l’État, l'Unedic et Pôle Emploi pour 2015-2018 justifie le recours à des « prestations externalisées » . » Il restera à expliquer au citoyen pourquoi, contrairement au contrôle sourcilleux dont les Missions locales sont l’objet (2), les multiples évaluations des « OPP » glissent sur eux comme pluie sur les plumes d’un canard. Du poids des lobbies…

Notons, cerise sur le gâteau, que dans Alternatives Economiques de ce mois (« Chômage des jeunes : dans la jungle des dispositifs », pp. 32-34), Laurence Gandin, conseillère Pôle emploi en charge de l’AIJ dans une agence du Var, se félicite que le « portefeuille » de chaque conseiller recouvre entre 50 et 70 demandeurs d’emploi : « Nous avons plus de temps… » (comprendre « plus » comme « + »). Les pioupious de Mission locale aux portefeuilles 3 à 4 fois plus gonflés apprécieront.

 

Le ciel vous tienne en joie.

 

 

  1. http://www.slate.fr/story/98323/agences-privees-marche-jeunes-chomeurs
  2. On lira à ce propos Marco Pol Avallon (2 mars 2015), « Du pacte de responsabilité aux missions locales. L’Etat et les missions locales ou comment le gestionnaire s’impose au social »,

http://blogs.mediapart.fr/blog/marco-pol-avallon/020315/du-pacte-de-responsabilite-aux-missions-locales-3-l-etat-et-les-missions-locales-ou-comment-l 

 

 

Pierre Delisle (10/04/2015)

 

Cher Julien Le Perse

Nous sommes ici dans la théorie des vases communicantes. Ou comment déshabiller les pierres (édifices de l’accompagnement de jeunes) pour habiller les pôles (substituts de suivi des jeunes). D’un côté le nombre de demandeurs d’emploi croit de manière inverse au nombre d’euros disponibles pour les accompagner. De l’autre côté, les ML ont été propulsées sur les devants de la scène avec la gestion des Emplois d’avenirs et l’expérimentation de la Garantie Jeunes. La lumière des uns faisant de l’ombre aux hôtes, nos gouvernants pour faire braquer les spots sur notre grand frère ont trouvé une martingale : la tirelire européenne susnommée : IEJ !

En un tour de main à la manière de la vaseline on en humecte les missions locales histoire de leur dire vous aussi vous y émargez, et on en inonde Pôle Emploi histoire de dire c’est vous les meilleurs ! Le tour est joué cela ne coûte rien à la nation et cela fait 761 chômeurs en moins.

Pierre Delisle : pas plus champion qu’un autre mais pas plus con qu’un autre non plus.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Commenter cet article

P
Cher Julien Le Perse<br /> Nous sommes ici dans la théorie des vases communicantes. Ou comment déshabiller les pierres (édifices de l’accompagnement de jeunes) pour habiller les pôles (substituts de suivi des jeunes). D’un côté le nombre de demandeurs d’emploi croit de manière inverse au nombre d’euros disponibles pour les accompagner. De l’autre côté, les ML ont été propulsées sur les devants de la scène avec la gestion des Emplois d’avenirs et l’expérimentation de la Garantie Jeune. La lumière des uns faisant de l’ombre aux hôtes, nos gouvernants pour faire braquer les spots sur notre grand frère ont trouvé une martingale : la tirelire européenne susnommée : IEJ !<br /> En un tour de main à la manière de la vaseline on en humecte les missions locales histoire de leur dire vous aussi vous y émargez, et on en inonde Pole Emploi histoire de dire c’est vous les meilleurs ! Le tour est joué cela ne coûte la nation et cela fait 761 chômeurs en moins.<br /> <br /> Pierre Delisle : pas plus champion qu’un autre mais pas plus con qu’un autre non plus.
Répondre